lundi 12 décembre 2011

Le livre

Un travail à remettre à propos d’un roman complètement nul. Les phrases sont interminables, tellement longues que j’ai oublié de quoi il s’agit à la fin de chaque page. Étendue sur mon lit, je fixe le plafond en regardant dans le vide. Lis une page. Retourne au plafond. Lis une phrase. Plafond. Ennui profond.

« Il était tellement gentil qu'on voyait des pensées mauves et bleues s'agiter dans ses veines. »

« Il y a une anguille, il y avait plutôt, qui venait tous les jours dans son lavabo par la conduite d’eau froide. »

« Le tapis de l’escalier, mauve très clair, n’était usé que toutes les trois marches : en effet, Colin descendait toujours quatre à quatre. »

Un changement. Rapide. Je ne suis plus chez moi. Je devrais dormir à cette heure, mais j’ai oublié qu’il existe des choses comme le jour, la nuit, l’école secondaire, les amis. Je n’ai plus de texte à écrire. Je sens la présence du nénuphar de Chloé. Je fais pousser des fusils avec Colin. Je suis dans une chambre qui rapetisse, avec eux. Je pleure le suicide d’une souris grise.

Elle est surprenante, cette première fois où des mots écrits sur des feuilles de papier font changer quelque chose en nous, pour toujours...

lundi 12 septembre 2011

Septembre

Il y a des caisses de bois dans le carpote. À l’heure du diner, grand-papa sort pour aller y chercher une, deux, trois, quatre huitres qu’il ramène à la cuisine. J’entends le bruit du couteau qui craque sur les coquilles. Ça sent l’eau salée, la mer, la Gaspésie. Grand-papa laisse glisser l’intérieur des huitres dans un grand verre de bière forte. Il siffle, il est heureux, il a faim. Il plonge sa fourchette dans le verre. Il sort les huitres une par une et il les mange en chuchotant mmmm. Le doux arôme de houblon se mélange à celui de l’océan et se répand dans toute la maisonnée.

Septembre sentait si bon…

mardi 30 août 2011

Grand-maman

Une amie me prête un minuscule masque de porcelaine aimanté, mais je l’échappe sur le plancher de céramique. Il est en morceaux. J’enveloppe les pièces cassées dans un mouchoir et montre tout ça à grand-maman pour lui demander son avis. Je pense qu’avec un peu de patience, on pourra le réparer, qu’elle me dit avec son regard de jeune tannante.

Après chaque repas du midi, pendant des semaines, elle me conduit dans son atelier féérique. Nous recollons, morceau par morceau, le masque afin que je puisse le rendre dans un bon état.

Je colle la dernière pièce. J’examine le résultat final avec scepticisme : toutes les craquelures sont visibles ! Anxieuse, je fais part de mes inquiétudes à grand-maman. Elle me regarde avec toute la douceur du monde dans les yeux. Elle me tend un petit sac à l’intérieur duquel se trouve un nouveau masque, identique à celui sur lequel nous avons tant travaillé. Comme ça, tu pourras garder celui avec les fissures.

samedi 6 août 2011

La truite

À la pêche avec papa et maman. C’est l’automne. On lance des grains dans le lac pour attirer les poissons. Mes mains puent, mais je les garde sous mon nez pour que ça pue encore et encore et encore. Je crie lorsque je vois des truites passer à mes pieds.

Papa a la tête rentrée dans les épaules. Il tente d’éviter mon hameçon que je lance dangereusement dans les airs. Marilyne, fais attention, citron !

Papa frappe une truite sur le sol pour la tuer. C’est affreux, ça saigne. Il semble le seul à utiliser cette technique. Maman se cache le visage pour rire. La truite glisse des mains de papa et retourne périlleusement dans l’eau du lac.

Je ne me souviens pas si nous sommes repartis les mains vides, mais j’aime m’imaginer que oui.

samedi 23 juillet 2011

L'amour

Au sous-sol, avec Antoine. Il fabrique une maison en blocs lego pendant que je m’applique à réaliser l’œuvre de ma vie. Antoine me regarde et me sourit et ça me donne des papillons dans le ventre. Je lui propose de jouer à la poupée avec moi, mais il refuse. Je termine mon magnifique barbo géant, le plus beau que j’aie fait jusqu’à présent. Je l’offre avec fierté et gravité à Antoine avant de retourner chez ma gardienne, la voisine, pour le repas.

Antoine m’attend à la porte, quelques heures plus tard. Il allonge ses bras vers moi et laisse tomber de ses mains des centaines de petits papiers déchiquetés qui atterrissent lourdement au sol. C’est le dessin que je lui avais offert. Il l’a détruit. Pour rien. Il repart, sans explication, sans même me regarder. J’ai le cœur et l’orgueil brisés. Pour la première fois.

dimanche 17 juillet 2011

Le tourisme sexuel

Dans les rizières. Deux jeunes garçons d’environ 6 ans s’amusent et rient. Le plus jeune s’approche et fait des signes sexuels explicites avec les mains. Je ris naïvement. I am all ready, qu’il crie. Je ne ris plus du tout. Elle fait toujours aussi mal, la réalité.

mercredi 6 juillet 2011

La tortue

J’ai la tête sous l’eau et je la vois, au fond de l’océan. Instinctivement, je lui fais un tata de la main. J’ai un peu honte de mon geste, alors je ris en faisant des bulles. La tortue me regarde fixement. Je la regarde avec surprise. Elle me regarde de côté. Je la regarde de haut. Elle me regarde d’un seul œil. Silence. Nous sommes immobiles. Je me laisse caler doucement. L’eau est chaude, les rayons du soleil éclairent les yeux de la tortue. Elle monte vers l’oxygène et je la suis. Elle vole avec méfiance. Je pourrais presque toucher sa carapace. Nous sortons nos têtes au même moment, pour respirer. Je l’observe avec attention, je tente de fixer pour toujours ce moment dans ma mémoire. Affolée, elle plonge en ligne droite vers les profondeurs, sans regarder derrière elle, sans me dire adieu. Je lui fais un second tata de la main, mais elle s’en fout.

lundi 27 juin 2011

Mon nez

J’avais cru comprendre que j’étais invitée à une fête d’amis, mais je suis dans un rassemblement familial sur la plage. Des dizaines d’enfants jouent dans les vagues. Ils sont tous habillés et trempés. Les femmes, assises dans le sable, rient, car j’ai mangé un truc trop épicé et je bois de l’eau à grandes gorgées. Une jeune fille me tient par la main et elle sourit dès que nos regards se croisent. Je tente de décrire à Ary la texture de la neige, une fois de plus, et il m’écoute comme si je lui livrais un secret d’une grande importance. Les hommes fument des cigarettes qu’ils roulent avec du papier journal. La grand-mère d’Ary joue dans mes cheveux. Elle me complimente sur le vert de mes yeux et sur la forme de mon nez, qu’elle touche plusieurs fois par minute. Nice nose, nice nose. Toute la famille décide, tour à tour, de toucher le bout de mon nez.

Surprise après surprise.

mardi 21 juin 2011

La colline

Je prends place sur une motocyclette avec Ary et nous suivons de près Mireille et son conducteur. Sans casque, les cheveux qui s’emmêlent au vent, les yeux plissés par la force des rayons du soleil. Nous montons une colline et je m’inquiète de l’état du moteur qui fait un bruit d’enfer.

Au sommet, le paysage me coupe la voix et le souffle. Je ris, parce que sinon je pleurerais. Nous nous assoyons dans l’herbe pour admirer les immenses vagues bleues qui fracassent les rochers au loin. Le soleil se couche lentement derrière les montagnes. L’air sent la mer. Un troupeau de vaches broute à quelques mètres de nous. Mireille a les yeux brillants. Welcome to Lombok baby.

vendredi 17 juin 2011

Noix de coco

Promenade silencieuse dans les rizières. Mireille et Julien me suivent. Il fait chaud, le soleil nous frappe dans le visage. La brise sent l'herbe brûlée et le sucre. Une femme s'affaire à je ne sais trop quoi. Je lui demande si nous sommes sur le bon chemin.

« Wanna drink coconut ? »

Elle saisit une noix de coco et la frappe fermement de sa machette artisanale. Elle me tend le fruit que je porte sans hésitation à ma bouche. Je bascule la tête vers l'arrière et ferme les yeux. Je sens le jus se répandre dans ma gorge sèche, sur mes joues, dans mon cou, sur mon chandail. J'ai les mains affreusement collantes et pour la première fois de ma vie, je m'en fous.

dimanche 8 mai 2011

La vie et la mort

Il y a une invasion de chenilles poilues chez ma tante Rachel. Je ne comprends pas trop le problème, car moi, je les adore. Elles sont duveteuses et me chatouillent doucement lorsqu’elles se déplacent lentement sur le dos de ma main. Elles sont en si grand nombre que l’extérieur de la maison ressemble à une chenille géante. Caroline, Antoine et moi passons l’après-midi complet à les mettre dans des pots Mason, jusqu’à ce qu’ils soient bien pleins.

Antoine prend une feuille d’arbre et il y pose une chenille. Je regarde avec intérêt ce qu’il fait. Il plie la feuille en deux et il appuie dessus. Ensuite, il ouvre la feuille pour me montrer la chenille. Elle n’y est plus. Enfin, elle y est encore, mais ce n’est plus une chenille, ça ne bouge plus. C’est de la gelée verdâtre avec des poils dégueulasses. Je pleure de voir cette horrible catastrophe. Comprendre la différence entre la vie et la mort a été une expérience douloureuse.

jeudi 5 mai 2011

3 août 1972, Capi et Noëlla

Le plat à patates

L’heure du dîner, mon moment favori. Grand-papa vient me chercher à l’école avec sa Toyota Camry grise. Il siffle par-dessus les rigodons proposés par sa station radio A.M. favorite, en tapant le rythme de son poing sur le bras de vitesse.

Dans la maison, il fait chaud et ça sent le beurre fondu et le sel. Je souris de bonheur et j’ai l’eau à la bouche : je sais que j’aurai droit à des patates tournées dans la poêle aujourd’hui. Grand-maman sert un verre de bière à Gaston et elle sort mon plat fétiche de l'armoire.

Mon petit bol beige est plein à ras bord et je déguste longuement chaque cube de patate en me brûlant parfois la langue et l’intérieur des joues. Je regarde un épisode des schtroumpfs et grand-papa écoute avec attention Radio Police à la cuisine. Mon plat presque complètement vide, je m’acharne à vouloir manger les petites graines croustillantes qui y restent.

Un jour, je saurai cuisiner des patates cuites dans le beurre comme elle.

jeudi 28 avril 2011

Les années

« Tout s'effacera en une seconde. Le dictionnaire accumulé du berceau au dernier lit s'éliminera. Ce sera le silence et aucun mot pour le dire. De la bouche ouverte il ne sortira rien. Ni je ni moi. La langue continuera à mettre en mots le monde. Dans les conversations autour d'une table de fête on ne sera qu'un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu'à disparaître dans la masse anonyme d'une lointaine génération. »

Annie Ernaux, Les années

Le bégayement

« Marilyne a une vertèbre croche dans le bas du dos et nous pensons que c’est ce qui occasionne ses maux de jambes. Pendant la durée du traitement, elle devra arrêter de faire du s-s-s-s-s-s-s-s-sport, du sport. »

Je jette un regard interrogateur à maman qui me lance un bref coup d’œil sévère. J’ai envie de rire de ce que le monsieur a fait. Ma mère est toute rouge, alors j’en déduis qu’il faut se retenir. Je regarde fixement ma mère qui regarde fixement le physiothérapeute qui me regarde fixement. Un malaise qui dure une éternité. La suite n’est pas importante.

samedi 23 avril 2011

La noix de coco de Pâques

C’est Pâques et ma mère court partout. Dès que le trio familial est levé, elle demande à papa de casser la noix de coco traditionnelle de Pâques. Je suis en pyjama de flanelle et je n’ai pas encore pris mon petit déjeuner, mais ça ne me dérange pas trop. Je suis nerveuse. Mon père commence par trouver un couteau très coupant et il tente de scier l’écorce du fruit, mais rien de réellement efficace n’a lieu. Il se rend dans son atelier et il revient avec un marteau. Il le frappe bruyamment contre la noix de coco de Pâques. Bang Bang Bang caliss de tab Bang Bang nak de cri Bang Bang Bang. Maman rit, comme elle a l’habitude de le faire lorsque mon père perd le peu de patience qu’il a. Papa a changé de couleur : il est maintenant plus violet que jamais. Il retourne avec sérieux dans son antre. L’heure est grave. Quelques secondes plus tard, il est dans la cuisine avec une perceuse à trous électrique. Je me mords les lèvres pour ne pas exploser. Papa sacre. Maman hurle de rire. Pâques est toujours une fête spéciale.

vendredi 15 avril 2011

Les nuages

Je suis assise à la table pique-nique chez ma tante Rachel, avec une pile de feuilles et ma boîte de précieux crayons Prismacolor. Il vente alors par expérience, je vais chercher une généreuse poignée de cailloux blancs que j’utilise comme presse papier. Je dessine une maison. J’aime ce que je fais, même si les cailloux blancs ne sont pas aussi efficaces que la veille et que les coins de ma feuille se courbent sous l’effet du vent. Je cherche le crayon bleu que j’utilise normalement. Je lève les yeux au ciel pour m’inspirer la forme d’un nuage. Stupéfaction. Ça doit être une erreur. Je m’empresse d’aller chercher mes autres dessins dans la maison. Les nuages. C'est impossible. De retour à l’extérieur, mes yeux passent du ciel à mes dessins, du ciel à mes dessins, du ciel à mes dessins, des centaines de fois. Je ne le crois pas. Mes yeux s’emplissent de larmes. Les nuages, je les ai toujours faits bleus, mais ils sont blancs. Le ciel, je l’ai toujours laissé blanc, mais il est bleu. J’ai été dans l’erreur pendant si longtemps.

mardi 12 avril 2011

Je hais les feux d'artifice

Je suis avec ma copine Anne dans le sous-sol de sa maison et on essaie de se mettre du mascara pour la première fois de notre vie. Quelqu'un sonne à la porte et Sylvie me hurle de monter. C'est mon amoureux.

« Marilyne, on va arrêter de sortir ensemble. Seb m’a promis d’aller faire péter la boîte de feux d’artifice au complet ce soir si je te laissais. Il m’attend derrière les sapins. »

Pleurer, ça fait couler le mascara. Ça, je l'ai bien compris. Va chier Patrick Laforest.

mardi 5 avril 2011

David Copperfield

David Copperfield, c’était mon rêve. Toute la famille y est, j’ignore pourquoi. Un court métrage en noir et blanc montrant des grosses madames qui essaient de voler avec d’anciens planeurs et des monsieurs chics qui tombent dans la poussière est présenté. Maman explose de rire. Mon père semble inquiet : il la connaît trop bien. Mon oncle Gaëtan, chanteur d’opéra, hurle de rire à son tour. Ma mère est pliée en deux dans son siège, Gaëtan a la main droite sur son cœur, maman a des larmes sous les yeux, mon oncle manque d’air. Le plus beau fou rire de l’histoire de l’humanité. La vidéo est courte, mais elle semble longue longue longue. Elle se termine enfin, la salle est encore et toujours silencieuse, mais eux ils rient encore, personne ne comprend pourquoi. Je ne me souviens d’aucun tour de magie.

mercredi 30 mars 2011

La dernière fois

Mes lèvres tremblent, mes mains tremblent, mes cheveux tremblent. J’entre doucement dans la chambre. L’air est sec, ça pue. La peinture écaillée des murs. Le rideau beige. L’éclairage de la télévision. Ses jambes maigres. Ses cernes. Son sourire.

« Salut grand-papa. »

Souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi. Souviens-toi une dernière fois.

« Danielle ? »

mardi 29 mars 2011

Le pont

Ma bouche est tellement sèche. J’ai l’impression d’avoir rempli mon sac à dos avec des foutues briques de construction. Je marche depuis des heures avec une paire d'espadrilles neuves dans les pieds et je me déteste. Faire du camping, ça semblait une bonne idée hier. Nathalie et Diane rient et chantent un peu plus loin devant moi. À cet instant précis, je les déteste elles aussi. Je suis de mauvaise foi, c’est impressionnant comme je suis désagréable. J’ai chaud. Des moustiques partout. Besoin d'eau. On arrive face au soi-disant pont et j’ignore s’il va tenir le coup. Les filles ont arrêté de chanter. Je ne pense pas qu’on puisse le traverser toutes les trois et elles pensent probablement la même chose que moi. Je prends une photo, parce que je ne sais pas quoi faire d’autres. Je crie : OSTI DE CALISS.

lundi 28 mars 2011

Papa et moi

Apprendre à voler, premier essai

Des jours à secrètement amasser tous les sacs de plastique qui traînent. Je rejoins Antoine dans son sous-sol. Avec minutie et sérieux, j'agrafe tous les sacs pour en faire un majestueux parachute. Je suis impressionnée par mon œuvre. Antoine joue avec Monsieur Patate.

Au parc, je retire l’immense parachute de mon sac. Je grimpe courageusement sur la glissade. À son sommet, je me lève et lance un regard malicieux à Antoine qui a la bouche ouverte d’incertitude. C’est haut, mais j’ai confiance. Je m’élance à l’horizontal dans les airs, mon parachute de sacs dans les mains. Trois mètres plus bas, je tombe durement sur le ventre dans l’herbe. Le parachute me couvre la tête. Je hurle. Rachel arrive en courant et ne peut se retenir de rire. J’ai échoué. Je hurle.

Antoine s’est enfui.

dimanche 27 mars 2011

La mer

Diane est face à la mer et elle regarde au loin. Je laisse mon sac à dos sur le sol et je vais la rejoindre. Elle se tourne vers moi, on se sourit, c’est suffisant. Je laisse tomber ma tête sur son épaule, mais c’est inconfortable. Même si le soleil se couche, je sens encore sa chaleur dans mon cou, sur mes joues, sur mes cuisses. Je m’assoie dans le sable qui me colle sur les jambes à cause de la crème solaire, mais je m’en fous. Je ferme les yeux pour respirer le sel du vent. J’écoute le va-et-vient de l’eau. Le départ est imminent. Je laisse couler mes larmes, sans honte. Marilyne, il faut se souvenir pour toujours de ce moment, me chuchote Diane.

J’ai réussi.

Trop tard

Je vais lui écrire. Par la poste. Non. Par courriel, ce serait plus facile. Je vais retrouver son numéro de téléphone et régler ça de vive voix, oui, c’est une bonne idée. Non, je ne sais plus, je pense attendre d’être revenue de Suisse. Oui, je vais penser à ça, mettre mes idées au clair et je prendrai ma décision plus tard.

Salut Dave, j’espère que tu vas bien. Es-tu encore fâché contre moi? Ça fait tellement longtemps cette histoire, je ne me souviens même plus qu’est-ce qu’il s’était vraiment passé. J’aimerais te revoir pour qu’on en parle. Notre amitié me manque. Je n’ai pas agi correctement avec toi, ça je sais, je me souviens. Ça fait déjà deux ans que je remets cette lettre à plus tard. Pardonne-moi, je me trouve tellement conne. J’attends ta réponse.

Dave-Michael Lesage
(1986-2009)

samedi 26 mars 2011

Lulu et moi

Le vol

Je ris trop fort.


« Chutttt Marie, on va se faire pogner si tu continues ! »


Un regard à droite, à gauche, un autre à droite, encore à gauche. Je grimpe une clôture de bois, pendant que mon compagnon fait consciencieusement le guet. Je me sens comme un chat et je trouve ça con et ça me fait rire, mais je me retiens. Le soleil me fait plisser les yeux, alors j’atterris difficilement sur le sol. Je me déplace lentement, je respire bruyamment et j'entends mon cœur battre dans mes oreilles.


Je suis sous l’arbre. J’allonge un bras, mais je suis trop petite, alors je saute, j’attrape une branche et je la secoue vigoureusement. Je regarde avec inquiétude les fenêtres de la maison. J’ai oublié de m’attacher les cheveux, alors j’en ai plein la bouche à cause du vent.


De retour avec mon butin, je suis Monica la Mitraille incarnée. On court en direction de l’auberge. À bout de souffle, je lui tends un citron. Je garde l’autre pour moi et je souris. Les yeux dans les yeux, nous mordons à pleines dents dans nos fruits. Du jus coule de part et d’autre de sa bouche. Je grimace et lui aussi. Un citron, ça n’a jamais été vraiment bon.

La tomate

Aller au jardin dans la cours arrière, me pencher en petit bonhomme et chercher la plus belle tomate, la plus ronde, la plus grosse, la plus appétissante. La tourner pour la détacher de sa tige, la porter à mon nez et sentir son odeur fraîche et légèrement amère. Revenir vers la maison en courant et tendre la tomate à Gaston qui me sourit de fierté. Il la prend, la palpe et conclut qu’elle n’est pas prête, on ne pourra pas la manger ce midi Marilyne, elle n’est pas tout à fait mûre. Je le suis jusqu’à la cuisine et le regarde poser la tomate sur le rebord de la fenêtre, au soleil, à côté des trois autres. 

Anne-Marie et Gaston